« Le peuple veut la chute du régime ! » Dans les premiers mois de l’année 2011, cette phrase est clamée à Tunis, à Tripoli, au Caire, comme à Damas ou Amman.
En quelques semaines, la « rue arabe », prompte à effrayer les Occidentaux, affirme sa souveraineté de peuple libre et ses droits contre les pouvoirs autocratiques en place. L’Europe assiste pantoise à ce qu’on a alors appelé le « retour de la révolution ». Depuis quand la révolution avait-elle donc disparu ? Depuis la « fin de l’histoire », au crépuscule du XXe siècle, s’entendait-on répondre, lorsque la chute du mur de Berlin puis celle de l’Union soviétique avaient pu laisser croire que la victoire du modèle libéral et capitaliste permettait désormais de se passer d’un peuple révolté. Déjà, le Portugal de 1974 avait donné le « la » avec ces chars couverts d’oeillets qui s’arrêtaient aux feux rouges. Depuis la fin du XXe siècle, les révolutions étaient devenues de « Velours ». Et pourtant, on reparlait de « révolution ».
Mais qu’est-ce qu’une révolution ? Depuis que ce mot, destiné à décrire le mouvement des astres, est devenu un terme politique lors des révolutions anglaises de la fin du XVIIe siècle, depuis surtout que le peuple de Paris a pris la Bastille le 14 juillet 1789, la révolution est d’abord définie comme un moment violent d’expression de la souveraineté populaire. « Aux armes citoyens ! Formez vos bataillons ! » clame La Marseillaise en 1792, « le peuple souverain avance/Tyrans descendez au cercueil » nous dit le Chant du départ (1794). L’image du peuple en marche et en arme, omniprésente, est la traduction concrète et symbolique de son soulèvement. Voilà pourquoi une révolution n’est pas un coup d’Etat : elle n’est pas seulement le fait d’un groupe ou d’une armée mais de masses qui entreprennent de renverser un régime. La révolution n’est pas qu’un peuple qui se soulève : l’insurrection, « l’émotion populaire » ne deviennent révolution qu’à partir du moment où elles ouvrent la voie à un changement radical. Il s’agit de mettre à bas le pouvoir en place, et non de le réformer de l’intérieur. « Du passé, faisons table rase » (L’Internationale, 1871) ; les révolutionnaires « tisse le linceul du vieux monde » à la manière des Canuts. Du pouvoir, de l’Etat, des élites en place et de toutes les injustices et oppressions qu’ils dénoncent, les révolutionnaires font un « ancien régime », dont il faut éviter à tout prix le maintient puis le retour. A sa place, ils inventent de nouveaux pouvoirs, dont le peuple doit être le cœur et la seule source de légitimité.
Cette rupture implique le plus souvent le recours sinon à la violence, du moins à la force et à l’action illégale. Il faut pendre « l’aristocrate à la lanterne » (Ah Caira, 1790), se débarrasser des « sabreurs, des bourgeois, des gavés » (La Jeune Garde, 1920). Mais, parce qu’elle s’effectue au nom du peuple souverain, qu’elle se revendique du droit de résistance à l’oppression et qu’elle établit un nouvel ordre, la révolution est le moment où s’opère le passage de la violence illégale à la violence légitime.
En quelques semaines, la « rue arabe », prompte à effrayer les Occidentaux, affirme sa souveraineté de peuple libre et ses droits contre les pouvoirs autocratiques en place. L’Europe assiste pantoise à ce qu’on a alors appelé le « retour de la révolution ». Depuis quand la révolution avait-elle donc disparu ? Depuis la « fin de l’histoire », au crépuscule du XXe siècle, s’entendait-on répondre, lorsque la chute du mur de Berlin puis celle de l’Union soviétique avaient pu laisser croire que la victoire du modèle libéral et capitaliste permettait désormais de se passer d’un peuple révolté. Déjà, le Portugal de 1974 avait donné le « la » avec ces chars couverts d’oeillets qui s’arrêtaient aux feux rouges. Depuis la fin du XXe siècle, les révolutions étaient devenues de « Velours ». Et pourtant, on reparlait de « révolution ».
Mais qu’est-ce qu’une révolution ? Depuis que ce mot, destiné à décrire le mouvement des astres, est devenu un terme politique lors des révolutions anglaises de la fin du XVIIe siècle, depuis surtout que le peuple de Paris a pris la Bastille le 14 juillet 1789, la révolution est d’abord définie comme un moment violent d’expression de la souveraineté populaire. « Aux armes citoyens ! Formez vos bataillons ! » clame La Marseillaise en 1792, « le peuple souverain avance/Tyrans descendez au cercueil » nous dit le Chant du départ (1794). L’image du peuple en marche et en arme, omniprésente, est la traduction concrète et symbolique de son soulèvement. Voilà pourquoi une révolution n’est pas un coup d’Etat : elle n’est pas seulement le fait d’un groupe ou d’une armée mais de masses qui entreprennent de renverser un régime. La révolution n’est pas qu’un peuple qui se soulève : l’insurrection, « l’émotion populaire » ne deviennent révolution qu’à partir du moment où elles ouvrent la voie à un changement radical. Il s’agit de mettre à bas le pouvoir en place, et non de le réformer de l’intérieur. « Du passé, faisons table rase » (L’Internationale, 1871) ; les révolutionnaires « tisse le linceul du vieux monde » à la manière des Canuts. Du pouvoir, de l’Etat, des élites en place et de toutes les injustices et oppressions qu’ils dénoncent, les révolutionnaires font un « ancien régime », dont il faut éviter à tout prix le maintient puis le retour. A sa place, ils inventent de nouveaux pouvoirs, dont le peuple doit être le cœur et la seule source de légitimité.
Cette rupture implique le plus souvent le recours sinon à la violence, du moins à la force et à l’action illégale. Il faut pendre « l’aristocrate à la lanterne » (Ah Caira, 1790), se débarrasser des « sabreurs, des bourgeois, des gavés » (La Jeune Garde, 1920). Mais, parce qu’elle s’effectue au nom du peuple souverain, qu’elle se revendique du droit de résistance à l’oppression et qu’elle établit un nouvel ordre, la révolution est le moment où s’opère le passage de la violence illégale à la violence légitime.
Le concept de la révolution
Reviewed by Afrique
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8/29/2018 07:54:00 AM
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