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KADHAFI ET SARKOZY(La Source du Mal) deuxiéme partie

À la recherche des preuves

Le colonel Kadhafi a-t-il financé la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 ? Cette question tient en haleine journalistes et magistrats depuis plus d’un an. Les soupçons sont d’ailleurs suffisamment sérieux pour qu’une information judiciaire ait été ouverte en avril 2013, afin que la lumière soit faite sur cette affaire.
Tout au long de mon enquête, j’ai pu observer à quel point nous étions nombreux à chercher les preuves de ce financement. Des confrères journalistes, bien sûr, des avocats, mais aussi des barbouzes qui travaillent pour le compte d’officines privées et pour qui tous les moyens sont bons pour mettre la main sur ces preuves tant convoitées. J’ai également constaté que tous mes interlocuteurs, français comme libyens, affirment, sans la moindre réserve, que, oui, Kadhafi a bien financé la campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Exceptionnellement, le récit qui suit est raconté à la première personne. Je n’y joue jamais avec la vérité et ne fais mystère ni des difficultés rencontrées ni des impasses dans lesquelles j’ai pu parfois me retrouver. Au final, je l’ai dit, j’ai la
conviction d’avoir identifié et remonté la bonne filière, celle qui mène aux preuves d’un financement libyen de la campagne de 2007 de l’ancien président. Et d’avoir reconstitué en grande partie le modus operandi de ce financement illicite. J’ai tout simplement commencé ma quête des preuves sur internet. Il s’agissait d’abord de recenser ce qui avait déjà été publié sur l’argent libyen que Nicolas Sarkozy aurait pu percevoir pour sa campagne électorale. L’interview accordée par Seïf el-Islam Kadhafi, le 16 mars 2011, à la chaîne Euronews 1, a tout de suite retenu mon attention. Vêtu d’un pull à col roulé beige, langage belliqueux et index accusateur pointé, « Monsieur fils » insulte Nicolas Sarkozy. « Il faut que
Sarkozy rende l’argent qu’il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale. C’est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler. La première chose que l’on demande à ce clown, c’est de rendre l’argent au peuple libyen. Nous lui avons accordé une aide afin qu’il oeuvre pour le peuple libyen, mais il nous a déçus. Rendez-nous notre argent. Nous avons tous les détails, les comptes bancaires, les documents etles opérations de transfert. Nous révélerons tout prochainement. »
Je note, toutefois, que le fils Kadhafi n’avance aucun montant, mais qu’il parle tout de même de « comptes bancaires » et d’« opérations de transfert ». J’apprendrais par la suite que Mouammar Kadhafi, qui a cru jusqu’au bout ou presque que Nicolas Sarkozy ne le trahirait pas, a fortement désapprouvé les déclarations de son fils et lui a demandé de ne pas immédiatement fournir les preuves de ses dires après cette interview. Une violente prise de bec aurait même opposé le père et le fils en présence d’un garde du corps de ce dernier.
La bombe Mediapart
Puis, en avril 2012, entre les deux tours de la présidentielle, explose la bombe Mediapart : un document censé émaner des services secrets libyens, et qui prouverait le financement libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy.
Cette note est datée du 10 décembre 2006 et apparaît signée de la main de Moussa Koussa, le chef du renseignement extérieur libyen.
Voici sa traduction, telle qu’elle a été fournie par Mediapart au moment de sa publication :
« En référence aux instructions émises par le bureau de liaison du comité populaire général concernant l’approbation d’appuyer la campagne électorale du candidat aux élections présidentielles, Monsieur Nicolas Sarkozy, pour un montant d’une valeur de cinquante millions d’euros.
« Nous vous confirmons l’accord de principe quant au sujet cité ci-dessus, et ce après avoir pris connaissance du procès-verbal de la réunion tenue le 6.10.2006, à laquelle ont participé de notre côté le directeur des services de renseignement libyens et le président du Fonds libyen des investissements africains, et, du côté français, Monsieur Brice Hortefeux et Monsieur Ziad Takieddine, et au cours de laquelle un accord a été conclu pour déterminer le montant et le mode de paiement. »
Ce document provoque une déflagration sur la scène politique et médiatique. Nicolas Sarkozy et ses lieutenants, au premier rang desquels Brice Hortefeux, montent en première ligne pour nier et démentir en bloc. Le président (plus pour longtemps), en particulier, le qualifie de « faux » et annonce qu’il porte plainte.
Résultat, quarante-huit heures à peine après la publication de la note, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour « faux et usage de faux », « recel de délit » et « publication de fausses nouvelles »… Mediapart ne reste pas les bras croisés et porte plainte à son tour contre Nicolas Sarkozy, pour « dénonciation calomnieuse ».
Deux des personnes citées dans la note font savoir qu’elles ne sont
aucunement liées à ce document. Il s’agit de Moussa Koussa, l’ancien chef du renseignement extérieur libyen, qui, depuis son exil au Qatar, affirme que le document est un faux ; et de Bachir Saleh, l’ex-directeur de cabinet de Kadhafi, qui, depuis la France, dit ne pas avoir été le destinataire de ce courrier. Seul Ziad
Takieddine, lui aussi cité, estime le document « crédible » tout en précisant qu’il n’a pas assisté à cette réunion.
Une chose est sûre, ce n’est pas parce que MM. Koussa et Saleh, qui n’ont aucun intérêt à ce que la vérité éclate, déclarent que la note est un faux qu’il s’agit effectivement d’un faux. D’autres raisons néanmoins permettent de douter de son authenticité. D’abord le fait que l’on imagine très mal Moussa Koussa,
maître espion par excellence, prendre sa plume, sur papier à en-tête officiel du pays de surcroît, pour traiter d’un sujet aussi sensible. La logique même des réseaux alors en oeuvre en Libye fragilise également la crédibilité de cette pièce.
En effet, s’agissant des affaires françaises, Moussa Koussa travaille avec le Libanais d’origine palestinienne Souheil Rached, et Bachir Saleh avec Alexandre Djouhri. Pourquoi, diable, seul Ziad Takieddine, l’homme d’Abdallah Senoussi de surcroît, aurait-il alors été désigné pour assister à cette réunion ?
Cela ne colle pas. Les financements politiques européens ne relevaient d’ailleurs pas en priorité d’Abdallah Senoussi. Un peu plus tard, j’apprendrai en outre que Ziad Takieddine (qui me le confirmera lui-même) remue ciel et terre pour trouver des preuves du financement et convaincre des kadhafistes de venir déposer devant la justice française… Instinctivement, j’ai l’impression qu’il y a méprise sur le Libanais présent. J’acquerrais néanmoins par la suite la conviction qu’il est plus plausible que la somme de 50 millions d’euros a bel et bien fini dans des poches sarkozystes.

Une filière très crédible
Plus sérieusement, j’avais noué un contact avec deux hommes d’affaires français qui travaillaient avec la Libye du temps de Kadhafi, et qui ont pris fait et cause pour son régime au moment de la guerre. Tous deux – ils s’appellent Franck et Fabrice – l’ont prouvé en se rendant en Libye à deux reprises, sous les bombes, en 2011. C’était chaque fois à l’instigation de proches de Seïf el-Islam.
« Nous nous sommes rendus en Libye cinq jours dans le courant du mois de juin 2011 et douze jours entre la fin juillet et le début août 2011. Lors du second voyage, les bombardements de l’OTAN étaient très violents », explique Fabrice.
Depuis, Franck et Fabrice n’ont eu de cesse de dénoncer les « manipulations et mensonges », notamment médiatiques, qui ont, selon eux, accompagné cette guerre visant d’abord à faire main basse sur le pétrole et le gaz libyens. Ils en tiennent pour preuve les événements de ce 30 avril 2011, où l’un des fils du colonel Kadhafi, Seïf el-Arab (à ne pas confondre avec el-Islam), sa femme, ses deux enfants ainsi qu’une enfant de Aïcha, la fille du Guide, ont été tués sous un bombardement de l’OTAN. Ils se trouvaient dans la maison de Seïf el-Arab, située dans la banlieue de Tripoli, et le colonel Kadhafi venait de quitter ses proches depuis vingt minutes lorsque trois missiles sont tombés sur la bâtisse.
« L’attaque était parfaitement ciblée sur cette maison qui a été la seule touchée du quartier. Voilà exactement ce qui s’est passé : Kadhafi était venu voir ses petits-enfants et, en partant, il a utilisé un téléphone portable pour appeler son chauffeur. Vingt minutes après ce coup de fil, alors qu’il était déjà parti, contrairement à ce que le porte-parole du régime avait dit dans un premier temps, le bombardement a eu lieu », témoigne Franck, qui, comme d’autres
Français d’ailleurs, a visité les débris de cette maison. Officiellement, l’intervention militaire en Libye n’avait pas pour objectif de cibler le colonel Kadhafi…
Aujourd’hui, Franck et Fabrice sont en contact avec ce qu’ils appellent « la résistance verte ». Ces « résistants » ont en commun d’avoir collaboré, travaillé avec et pour le régime de Mouammar Kadhafi. On y recense bon nombre de militaires aguerris, d’agents de renseignement et de membres des anciennes unités d’élite du régime formés au combat et aux actions clandestines. Parmi
eux, nul enfant de cœur, uniquement des soldats de la cause kadhafiste. Les plus recherchés par Tripoli, ou ceux qui étaient les plus proches de Kadhafi, se cachent aujourd’hui au Niger, où se trouve Saadi, l’un des fils du Guide, on l’a dit. Les plus « opérationnels » sillonnent le Sahel – pas de risque de prise
d’otage pour eux ! –, se baladent en Algérie…
Et surtout, ils entrent et sortent de la nouvelle Libye à leur gré. Sur place, ils peuvent en effet compter sur l’aide d’autres kadhafistes organisés en cellules opérationnelles. Soyons clairs : le nouveau pouvoir n’a pas les moyens de faire face à cette situation, en dépit de l’adoption, en mai 2013, d’une loi visant à exclure les anciens partisans du Guide de la vie politique.
Les Forces spéciales françaises ont tenté d’assassiner
Seïf el-Islam !
Les révélations de Tahar me confortent dans l’idée que, pendant la guerre, Seïf el-Islam a été un homme à abattre : si son père, le colonel Kadhafi, venait à décéder, rien ne l’empêcherait alors de fournir les preuves. Mon intuition était la bonne. À la toute fin de mon enquête, à la mi-mai 2013, une source française fiable
me téléphone pour me répéter la confidence que l’un de ses amis, officier français, venait de lui faire : « Lorsque Seïf el-Islam a été arrêté en Libye, on a envoyé un commando sur place pour le liquider. Mais un commando d’un autre pays l’a exfiltré et l’a installé dans la tribu de Zenten où il se trouve encore. » Il faut en effet savoir que, selon les informations à l’époque communiquées par les rebelles, Seïf el-Islam est censé avoir été capturé le 19 novembre 2011 par des milices de la tribu de Zenten, qui se situe à 170 km au sud-ouest de Tripoli, et où il est toujours détenu aujourd’hui. Cette information de source franco-française me semble tout simplement capitale et j’entreprends immédiatement de la vérifier, de la croiser avec d’autres sources. Je me tourne naturellement vers Franck, Fabrice et Tahar. Je veux exactement savoir si oui ou non un commando français a tenté d’assassiner Seïf
et, si oui, quel pays lui a sauvé la vie. Avec eux, je suis volontairement succincte pour m’assurer de ce qu’ils savent exactement. Pour une fois, la réponse me parviendra dans les deux heures… C’est Franck qui me la communique : « Seïf a été capturé par une tribu. Un commando français a débarqué pour l’exécuter,
avec un appui qatari. Des Forces spéciales russes se sont interposées. C’est ensuite l’Algérie qui a négocié avec la tribu de Zenten pour protéger Seïf. » Franck m’apprendra également que trois autres militaires français seraient décédés lors de cette opération très spéciale.
Je n’en revenais pas. Certes, la Russie, comme l’Algérie, a toujours été un allié de la Libye de Mouammar Kadhafi. Surtout Vladimir Poutine qui, pendant la guerre, occupait le poste de Premier ministre (c’était Dmitri Medvedev qui était alors président). Ainsi, Poutine n’avait pas hésité à qualifier l’intervention de l’OTAN en Libye de « croisade », provoquant la colère de Medvedev… qui
se voyait déjà calife à la place du calife. Mais de là à intervenir dans ces conditions…
Par prudence, je tente de recouper ces informations – la tentative française d’assassiner Seïf el-Islam et l’intervention russe – auprès d’une troisième source. C’est dans ce but que j’ai recueilli le témoignage d’un Français qui s’était rendu en Libye pendant la guerre, et qui avait alors rencontré le numéro deux de l’ambassade de Russie à Tripoli. « Il m’a donné deux informations : primo, que
des Russes se trouvaient sur le sol libyen au côté des forces kadhafistes dans certaines villes ; secundo, qu’il y avait un désaccord entre Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev quant à l’opportunité, ou non, de sauver Mouammar Kadhafi. » Ces différents éléments et témoignages m’ont convaincue que les
Français ont bien tenté d’assassiner Seïf el-Islam et que la Russie s’y est bien opposée. Cette conviction me renforce également dans l’idée qu’en tentant d’assassiner le fils Kadhafi, qui menaçait de révéler les preuves du financement de Nicolas Sarkozy, l’objectif recherché était justement d’empêcher la sortie de ces preuves. Leur traque continuait donc.
Mais revenons quelques temps en arrière. Tahar, Fabrice et Franck ne donneront plus signe de vie jusqu’au 25 décembre 2012 au matin. C’est Franck qui me contacte ce jour-là, pour me donner de nouvelles informations. Tahar confirme le montant de 57 millions d’euros. Il ajoute que des fonds auraient été remis « aux Français » via l’ambassade de Libye, à Paris. Il n’en connaît pas la date exacte. Surtout, il affirme qu’une preuve vidéo (et non audio) existe et qu’elle est irréfutable en raison des personnes que l’on y voit. Mais le messager coupe court à toute discussion, ajoutant aussitôt : « Si la France de François Hollande veut cette vidéo, alors il faut exfiltrer Seïf el-Islam de Libye. Les kadhafistes peuvent le faire libérer de là où il se trouve, à Zenten, mais il faut ensuite un appui aérien étranger pour le sortir du pays. » Les bras m’en tombent.
Cette demande est surréaliste ! Je tente un misérable : « Mais pourquoi ne donnez-vous pas les preuves à la justice française si vous les avez ? » Réponse : « C’est la condition. » Point final. Joyeux Noël ! Je pensais sincèrement ne plus jamais entendre parler de Tahar, aussi ai-je été vraiment surprise lorsque Franck m’a recontactée au début du mois de mai 2013.
Notre conversation a repris exactement là où elle avait pris fin le jour de Noël. Les contacts s’étendront sur plusieurs jours, les informations arriveront au compte-gouttes. À chaque nouvelle question que je poserai, Franck demandera un court délai pour ramener l’information. Il devait voir avec Tahar, qui devait
en référer à d’autres personnes, m’expliqua-t-il.
La somme de 57 millions d’euros payée en deux temps m’est confirmée pour la troisième fois. La commission de 7 millions d’euros versée à un intermédiaire, aussi… J’apprends qu’une partie des négociations, notamment pour ce qui concerne le modus operandi de la livraison des fonds, aurait été menée à l’hôtel
 Corinthia, à Tripoli, en présence notamment de trois Français, dont un connu du grand public. Côté libyen, il n’y aurait en fait pas eu un seul intermédiaire libanais, mais deux ! Qui plus est, deux frères, deux hommes d’affaires. L’un d’eux aurait un passé de « révolutionnaire ». C’est cette partie des négociations qui aurait été filmée à l’insu des participants. Tahar se trouvait à l’hôtel Corinthia à ce moment et affirme être disposé à témoigner de tout cela devant la justice française. Les mots « libanais » et « révolutionnaire » font tilt dans mon esprit. S’agit-il du réseau du Libanais d’origine palestinienne Souheil Rached ? Il était l’homme lige de Moussa Koussa, le chef des renseignements extérieurs libyens, qui entretenait des contacts avec Nicolas Sarkozy et Claude Guéant à l’époque où aurait pu avoir lieu le financement. C’est-à-dire entre la fin 2006 et le début 2007. Sarkozy et Guéant étaient alors au ministère de l’Intérieur, et il était légitime que Moussa Koussa s’entretînt avec eux de questions de sécurité.
Je me souviens aussi très bien de ce diplomate français qui m’avait confié qu’il croyait se souvenir que Souheil Rached appartenait, à ses débuts, au FPLP. Et aussi des propos de ce journaliste libanais qui avait connu Rached et m’avait indiqué qu’il était de confession chrétienne. Fondé en 1967 par Georges Habache, qui était né dans une famille chrétienne aisée, le FPLP, que l’on peut qualifier de « révolutionnaire », prônait la lutte armée en vue de créer un État
palestinien. Tout collait. Fallait-il conclure qu’il s’agissait bien de Souheil Rached ? Contacté sur son téléphone portable français, ce dernier n’a pas souhaité s’exprimer.
Au cours de mes conversations avec Franck, j’apprends aussi que la vidéo n’est pas la seule pièce à conviction. « Non, il y a aussi des traces de transferts de fonds, de virements bancaires et des noms de banques. » En somme, exactement ce que Seïf el-Islam annonçait dans son interview sur Euronews. À ce moment, une autre source libyenne – une redoutable femme d’affaires qui avait travaillé au côté de Kadhafi et jouissait de sa confiance, notamment pendant la guerre de 2011 –, que j’ai rencontrée dans une capitale du Maghreb,
me mit sur la piste de Bachir Saleh. Comme Souheil Rached, Bachir Saleh est parfaitement francophone et se rendait régulièrement en France à cette époque.
C’était un proche d’Alexandre Djouhri, qui avait rallié les sarkozystes en avril 2006. « En décembre 2006, un avion a décollé de la ville de Syrte, s’est posé à Djerba, en Tunisie, et a poursuivi sur Paris. À bord de cet avion, il y avait Bachir Saleh », témoigne la femme d’affaires, qui connaît bien la France et certains politiques. À l’écouter, une vidéo aurait même été tournée de Saleh montant à bord. Elle aurait depuis disparu. Mabrouka, l’âme damnée de Kadhafi qui séjournait fréquemment à Paris au Fouquet’s, se trouvait également sur le tarmac.
Je lui pose aussitôt de nombreuses questions. Y avait-il des Français pour réceptionner l’avion à Djerba ? Qui a accueilli l’appareil à Paris ? La femme d’affaires n’en sait pas plus. Ou ne veut pas en dire plus. Il semble toutefois que le document du plan de vol de cet avion existe et qu’il soit entre les mains de
kadhafistes qui se cachent. L’information me semble hautement crédible et je décide aussitôt d’en parler à Franck, qui me promet de la vérifier auprès de Tahar et de son réseau. C’est chose faite dès le lendemain. « Oui, c’est vrai. Un avion a bien décollé de Syrte à
la fin 2006 car, à ce moment, Kadhafi se trouvait à Syrte. Tout comme Tahar, d’ailleurs. C’était un petit avion français. À son bord, il y avait bien Bachir Saleh, mais il n’était pas seul : quatre Libyens l’accompagnaient. Ils transportaient les 30 millions d’euros qui correspondent au premier versement des 57 millions d’euros pour Nicolas Sarkozy. Le reste a été géré par l’ambassade de Libye à Paris. » Si l’on soustrait les 7 millions d’euros qui
correspondent à la commission des intermédiaires, 20 millions d’euros supplémentaires auraient ensuite été versés pour la campagne électorale de Nicolas Sarkozy de 2007. Sur ce point aussi, Tahar est disposé à témoigner devant la justice française.
Très vite, Franck réitère fermement la condition sine qua non émise par Tahar et, par-delà Tahar, par les hommes de Seïf el-Islam : le fils Kadhafi doit sortir de Libye. Ces preuves sont son assurance-vie, en quelque sorte. Tant qu’il sera en détention, et donc potentiellement en danger, elles ne sortiront pas. « Ils s’en
foutent de carboniser les preuves. Ils ne veulent pas d’argent, car ils n’en ont pas besoin. Seïf devait succéder à son père et ils veulent que leur chef soit libéré. Ils se donnent le temps nécessaire pour y parvenir. »
Je sais aussi qu’au sein même des kadhafistes, notamment ceux qui sont cachés au Niger, certains pensent qu’il est plus utile à leur cause de demander à la France de reconnaître un gouvernement libyen (et kadhafiste !) en exil contre les preuves, d’une part, et, d’autre part, la promesse de passer certains contrats commerciaux quand les kadhafistes auront repris le pouvoir à Tripoli. Je parie
que cette option, aussi hasardeuse soit-elle, finira par l’emporter sur la demande d’exfiltration de Seïf el-Islam, qui me semble techniquement simple mais politiquement complexe à mettre en oeuvre. Je sais également que d’autres kadhafistes, et non des moindres, sont disposés à venir témoigner devant la justice française de ce qu’ils savent des relations franco-libyennes. Moyennant protections, voire l’asile en France. Mais Libyen souvent varie, et la sortie de preuves du financement de la
campagne électorale de 2007 peut encore se faire attendre longtemps. Très longtemps.
KADHAFI ET SARKOZY(La Source du Mal) deuxiéme partie   KADHAFI ET SARKOZY(La Source du Mal) deuxiéme partie Reviewed by Afrique on 9/20/2018 08:38:00 AM Rating: 5

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